Pendant un siècle, des médecins juifs ont façonné l’histoire de l’OSE tout au long de ses pérégrinations à travers le monde.
Ils venaient de Russie, d’Allemagne, de France, puis de Tunisie, et du Maroc. Ils ont œuvré pour le développement des populations juives par le biais de l’hygiène et de l’éducation et ont contribué au sauvetage des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui en France, les médecins de l’OSE s’engagent dans les nouvelles solidarités comme la gériatrie,
le handicap et les jeunes en difficulté.
En 1912 à Saint-Pétersbourg des médecins juifs fondent la société pour la protection sanitaire des populations juives. Ils prônent la « régénérescence » du peuple juif et jettent les bases d’une philanthropie nouvelle qui sera toujours celle de cette ONG avant l’heure. Dès l’origine, ils orientent son action médico-sociale vers l’enfance.
D’autres médecins en Pologne, en Lituanie, en Roumanie puis en Allemagne et en France la rejoignent pour assurer la prise en charge des populations juives menacées, aider les réfugiés et sauver les enfants. Les médecins de l’OSE se mobilisent face aux pogroms, dans les ghettos de Pologne ou dans les camps d’internement français.
Ces médecins juifs éclairés et universalistes, qu’ils soient russes, tunisiens, marocains ou encore alsaciens œuvrent pour le développement des populations défavorisées par le biais de l’hygiène et de l’éducation. Les mêmes préoccupations se retrouvent aussi bien sur les affiches en yiddish de 1925, qu’en 1947 en Afrique du Nord dans la campagne des 3 T – lutte contre la teigne, le trachome et la tuberculose. Après la Shoah, ils sont là pour reconstruire les communautés juives exsangues.
Aujourd’hui, l’OSE est présente en Italie, au Mexique et au Maroc. En France, ses médecins, éducateurs et assistantes sociales interviennent depuis la petite enfance jusqu’au plus grand âge. Ils initient de nouvelles solidarités dans la gériatrie, le handicap et auprès des jeunes en difficulté… pour assurer « 100 ans d’avenir ».
Valentine Cremer entreprend ses études de médecine à Petrograd, pendant la Grande Guerre. En 1915, elle fait partie des équipes volantes de l’OZE qui encadrent les convois de milliers de Juifs expulsés comme « traîtres ou espions » au gré des batailles.
Lors de la Révolution russe, elle participe à la prise du palais d’hiver en tant qu’infirmière, au sein d’un groupe sioniste, animé par Joseph Trumpeldor, puis en 1918le futur héros de Tel Haï. Valentine se marie le 23 juin 1918 et quitte le pays au dernier moment. Elle s’établit à Paris où elle achève sa spécialisation en radiologie.
Valentine Cremer rejoint la branche française de l’OSE dès sa création, en 1934, et se mobilise pour organiser l’arrivée des enfants seuls après la Nuit de cristal. C’est à cette occasion qu’elle entre en contact avec Germaine Masour et Andrée Salomon.
Membre du comité de direction de l’OSE en 1939, elle est tout d’abord active à Paris, à l’hôpital Rothschild, puis aux côtés du professeur Eugène Minkowski. En 1942, elle rejoint la direction de l’OSE à Montpellier.
A Vilnius, en Lituanie, le docteur Zemach Shabad de l’OZE, jette les bases de la médecine populaire du pays.
Surnommé « le bon docteur Shabad», il est à l’origine de l’implantation dans le pays de nombreuses « Gouttes de lait », de colonies d’enfants, de cantines scolaires, de centres de soin et même de la première école d’infirmières en langue yiddish.
Il a également contribué à la création du Yivo (institut de recherches sur l’histoire, la langue, la culture des Juifs de Russie et d’Europe de l’Est). Des funérailles quasi nationales furent organisées à sa mort, en 1935, pour lui rendre hommage.
Né en Lituanie en 1871, Julius Brutskus a commencé à propager les idées d’une organisation médico-sociale juive dès 1890, 20 ans avant la fondation de l’OZE, qu’il ne rejoint qu’après son installation en Allemagne. Le docteur Brutskus peut donc être considéré comme l’un des chefs spirituels de l’organisation. Ses articles dans des domaines aussi variés que la médecine (« De la prévention du typhus et du choléra »), l’histoire (« L’installation des Juifs en Pologne ») et l’anthropologie («Les groupes sanguins des Juifs selon leur pays d’origine ») reflètent une culture et une ouverture d’esprit largement profitables à l’OSE.
Étudiant, il fit partie du mouvement sioniste Hovevei Tsion et fréquenta les cercles dirigeants des mouvements sionistes de l’époque. Plus tard, il se rapprocha du leader du mouvement révisionniste, Zeev Jabotinski.
Son engagement politique lui causa de nombreux ennuis tout d’abord en Russie, puisqu’il fut arrêté par les Bolcheviques pour avoir présidé un congrès sioniste, mais également en France, par le gouvernement de Vichy. Brutskus fut condamné à six mois de prison pour avoir distribué massivement des formulaires de citoyenneté lituanienne aux Juifs dans les camps d’internement de Rivesaltes et de Gurs. Il émigra aux Etats-Unis grâce au soutien de l’OSE-USA, puis en Israël.
Né dans une petite ville d’Ukraine sous le règne du tsar Alexandre II, il fut envoyé en Suisse à l’âge de 18 ans pour soigner une santé fragile. C’est là qu’il décide de faire médecine. Il se spécialise dans la phtysiologie, c’est-à-dire les traitements pour lutter contre la tuberculose.
Après avoir obtenu un poste d’assistant à l’hôpital de Berne, il se porta volontaire en 1893 pour retourner en Russie et combattre une épidémie de choléra, à laquelle il faillit succomber. De retour en Suisse, il publia ses observations sur cette maladie, mais conserva une santé fragile. Il rejoint l’Union-OSE en 1924. Installé à Genève, il est élu au Comité exécutif de la Direction générale et obtient sa naturalisation.
Il semble avoir pris sa retraite de médecin peu avant le début de la guerre, pour devenir, selon le mot du Dr Joseph Weill, « le pivot de l’OSE en Suisse ». Jusqu’en 1942, l’essentiel de son activité fut l’envoi de médicaments et de vivres dans les ghettos et les camps de concentration de Pologne et des Pays baltes., ainsi qu’aux communautés persécutées de Bessarabie et de Yougoslavie. Vis-à-vis de la France, il obtint des « visas d’entrée non-refoulables » pour permettre le repli en Suisse des membres du personnel de l’OSE.
Après 1943, il s’occupa avec Lazare Gurvic et le Dr Joseph Weill de l’afflux des réfugiés en particulier des enfants. A partir de 1946, l’activité du Dr Tschlenoff fut essentiellement tournée vers les soins aux anciens déportés tuberculeux. En collaboration avec l’OSE-Suisse, il contribua à la création des sanatoriums de Mont-Repos, à Davos, et de Bella-Lui, à Montana, ainsi qu’aux autres activités médico-sociales de l’association.
Le docteur Joseph Weill, né à Bouxwiller, en Alsace et surnommé « le prophète », est l’homme politique de l’OSE. Il participe à Strasbourg, avec Andrée Salomon, à la création du Merkaz Hanoar, la centrale fédérative des mouvements de jeunesse, pépinière des cadres de la guerre et de l’après-guerre.
Diabétologue, il s’installe comme médecin,et monte un réseau de renseignements sur les autonomistes alsaciens et leurs agissements pronazis. La guerre arrive, il est versé dans le service de santé en Dordogne. A Périgueux, il fonde, avec Lucien Cromback et le grand rabbin René Hirschler, l’Oeuvre d’aide sociale israélite auprès des populations repliées d’Alsace et de Lorraine.
Réfugié à Terrasson, en Dordogne, il n’a plus le droit d’exercer à cause du statut des Juifs d’octobre 1940. Il devient médecin consultant de l’OSE à Montpellier, où la direction s’est repliée, et intervient dans les camps français de Gurs et de Rivesaltes.
Après 1942, il a l’immense mérite d’impulser le passage à l’illégalité. C’est lui qui persuade Georges Garel de mettre sur pied le service clandestin qui porte son nom.
L’action de Joseph Weill se poursuit en Suisse, à partir de mars 1943. Là aussi, il montre ses talents d’organisateur à l’intérieur de l’Union-OSE à Genève et à l’extérieur, par ses contacts étroits avec les autres associations, en particulier avec Saly Mayer, correspondant du Joint.
En avril 1945, Joseph Weill effectue avec les docteurs Gaston Revel et Henri Nerson, plusieurs missions sanitaires dans les camps de personnes déplacées en Allemagne et une mission au Maroc ; il représenta l’OSE aux réunions de travail de l’UNRA à Genève.
En 1947, il rejoignit sa famille à Strasbourg et rouvre son cabinet. Président du Consistoire israélite du Bas-Rhin de 1954 à 1966, européen convaincu, il œuvre pour un rapprochement avec l’Allemagne d’Adenauer.
Joseph Weill meurt le 11 mars 1988 à Besançon.
Fils d’un banquier de Varsovie, Minkowski poursuit ses études de médecine à Munich, où il passe son doctorat en 1909. En 1913, il épouse Françoise Brokman, plus connue en France sous le nom de Françoise Minkowka, elle-même docteur en médecine.
Réfugié à Zurich, il travaille bénévolement avec le grand psychiatre Bleuler et découvre la souffrance et l’isolement des schizophrènes. En 1915, sans que rien ne l’y oblige, il décide de partir en France comme engagé volontaire pour défendre la patrie des droits de l’homme. Naturalisé, il est décoré de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre avec trois citations. Le couple décide alors de s’installer à Paris. Les débuts sont difficiles : démobilisé en 1920, il fait de la psychiatrie à l’hôpital Henri Rousselle, à la fondation Rothschild et travaille bénévolement au foyer de Soulins, pour enfants difficiles, près de Brunoy.
Minkowski rejoint l’Union-OSE et devient, dès 1933, président du Comité exécutif de l’association. Avec le docteur Polinow, il aide à la mise en place d’un patronage pour enfants difficiles. Avec Falk Walk, il représente le Comité OSE de zone nord pour porter assistance à la population juive parisienne : patronages pour les enfants, soins médicaux, distribution de vêtements, aide juridique pour une population très tôt fragilisée par le statut des Juifs d’octobre 1940 et par les rafles de 1941 à l’encontre des Juifs étrangers.
A partir de septembre 1941, bien avant la rafle du Vel’ d’hiv, il étend son activité au placement individuel des enfants dans des familles non juives, en utilisant le même réseau de relations que le Comité de la rue Amelot, auquel il adhère à titre personnel.
Après la guerre, il reprend sa place comme président du Comité exécutif de l’Union-OSE, qu’il ne quitte qu’en 1968. On le retrouve à Ecouis, pour accueillir les 426 enfants de Buchenwald arrivés en France en juin 1945 grâce à l’OSE.
Eugène Minkowski meurt à Paris en 1972 après avoir eu la joie de voir la plupart de ses ouvrages réédités. De lui Vladimir Jankélévitch dira : « Il fut le premier ou mieux le seul phénoménologue du temps vécu. »
Isia Malkin nait le 25 décembre 1908 à Volozhyn important centre de culture juive en Biélorussie. Il émigre en France en 1929 et effectue ses études médicales à la Faculté de Nancy. N’ayant pas la nationalité française il se voit refuser la possibilité d’exercer. En 1937, il épouse Henriette Frenkel à Metz où il trouve un emploi d’assistant médical.
Après l’invasion des troupes allemandes en mai 1940, il quitte Metz avec sa femme, son fils né en 1939 et ses beaux-parents pour Bordeaux qu’il rejoint lui-même en bicyclette, puis la famille s’installe à Adge en août 1940 où le Dr. Malkin entre en contact avec les responsables de l’OSE dans la région de Montpellier. Il obtient l’autorisation d’apporter une assistance médicale aux Juifs réfugiés d’Europe centrale et de Belgique regroupés au camp d’internement d’Agde, et permet la sortie clandestine de plusieurs enfants.
Le Dr. Isia Malkin quitte Agde au printemps 1941 pour exercer ses activités de médecin au camp de Rivesaltes où les internés du camp Agde ont été transférés et survivent dans d’épouvantables conditions sanitaires côtoyant les réfugiés républicains. Il y soigne sans relâche adultes et enfants jusqu’en mars/avril 1942, date à laquelle il doit se cacher.
En avril 1942, il rejoint sa femme Henriette à Vic-sur-Cère dans le Cantal où elle dirige une maison d’enfants juifs réfugiés mise en place sous l’égide des Amitiés Chrétiennes. Fin 1942, Le Dr. Malkin entre dans la clandestinité dans le circuit OSE opérant dans la vallée du Rhône. Il dispense une assistance médicale aux Juifs étrangers se trouvant en résidence surveillée. puis en 1944, entre dans la résistance armée.
Avec sa femme Henriette et ses trois enfants dont les deux derniers nés pendant la guerre le Dr. Malkin s’installe à Paris en octobre 1944. Après la capitulation de l’Allemagne nazie, le Dr. Isia Malkin participe activement aux activités de l’OSE et de L’American Joint Distribution Committee (JOINT) en faveur des survivants des camps et des candidats à l’émigration en Palestine. Le Dr. Malkin obtient la nationalité française par naturalisation en 1947. Il ouvre son cabinet d’analyses biologiques en 1949. Il décède à Villejuif des suites d’un cancer en 1981.
Issu d’une vieille famille juive alsacienne, il fit des études de médecine à Strasbourg, puis se spécialise dans les services infantiles des hôpitaux parisiens. En 1932, il ouvre un cabinet de pédiatre et dirige le service de nourrissons de l’hôpital Beaujon. Démobilisé en 1940 à Pau, la famille s’installe à Béziers.
L’OSE, basée à Montpellier, lui confie l’organisation d’un service médico-social pour les populations juives réfugiées dans l’Hérault et les départements limitrophes. Il est également chargé des visites au camp de ressortissants étrangers d’Agde. En 1941, il est nommé inspecteur médical des maisons d’enfants de l’OSE et directeur de la pouponnière de Limoges (Haute-Vienne).
Après les rafles des Juifs étrangers d’août 1942, il organise un centre clandestin de placement d’enfants dans des familles d’accueil de l’Indre. Recherché par la Gestapo, Gaston Lévy et sa famille passent clandestinement la frontière suisse à Collonges. Il est chargé par les autorités suisses de la surveillance médicale des homes de femmes et de nourrissons de La Rosiaz à Lausanne, puis de Mirabeau/Clarens et de Glion, en Suisse romande. Ses liens avec l’OSE s’arrêtent après la guerre.
Gaston Lévy émigre en Israël en 1972.