L’OSE est très attentive aux approches thérapeutiques menées à l’étranger avec les survivants de la Shoah et en particulier au travail réalisé en Angleterre par l’association Shalvata. Témoignage de Judith Hassan, sa fondatrice.
« Je travaille avec les survivants de l’Holocauste et les refugiés de la Deuxième Guerre mondiale depuis presque 40 ans. Le modèle thérapeutique adopté par Shalvata (de l’hébreu « esprit en paix ») et le Centre pour les Survivants de l’Holocauste – dont je suis également à l’origine – est basé sur l’écoute des survivants. Ces derniers m’ont confié les détails de leur passé traumatique et leur méthode pour réussir à le surmonter. J’ai eu une prise de conscience au début des années 80 quand une survivante m’a demandé de constituer un groupe avec d’autres personnes ayant le même vécu qu’elle. L’atelier, au départ, était informel. Mon rôle consistait simplement à faciliter les échanges entre les uns et les autres mais je ne proposais alors aucune thérapie.
Un service d’écoute encadré par des professionnels
J’ai sauté le pas et lancé l’association Shavata, un endroit non-clinique où les survivants pouvaient discuter et enregistrer leurs témoignages auprès d’une équipe de professionnels *. La première étape a consisté à apprendre comment entrer en contact avec eux. En effet, les personnes concernées étaient souvent réticentes à demander de l’aide, redoutant toute forme d’autorité (y compris celle qui venait des thérapeutes et aides sociales).
De la difficulté de vivre avec ces traumatismes
Bien que beaucoup d’entre eux mènent malgré tout une existence paisible et épanouie, leur état masque souvent des blessures profondes bien enfouies. Avec l’âge, leur santé se détériore, et le souvenir des évènements tragiques remonte à la surface.”Mes nuits commencent à envahir mes jours,” me disait-on. Le besoin d’un service spécialisé pour répondre à leurs angoisses s’est fait sentir davantage, c’est ce qui a achevé de me convaincre de l’utilité du Centre pour les Survivants de l’Holocauste. Il accompagne des enfants cachés pendant la guerre, par exemple, ou les enfants venus sans leurs parents en Grande Bretagne dans le cadre du « Kindertransport » (opération humanitaire menée par la Grande-Bretagne avant la Seconde Guerre mondiale, accueillant près de 10 000 enfants principalement juifs d’Allemagne, d’Autriche, de Tchécoslovaquie dans des familles d’accueils anglaises).
Il s’agissait donc de les aider à vivre avec leurs souvenirs traumatiques, en étant moins perturbés. Le processus devait faciliter la coexistence de ces deux mondes, le noir et la lumière, le désespoir et l’espoir. C’est pourquoi, en 1993, j’ai ouvert le Centre pour les Survivants de l’Holocauste (HSC), avec les fonds du Jewish Care et du World Jewish Relief. Shalvata ne proposait pas une gamme suffisante d’outils thérapeutiques et de réponses pour traiter ces traumatismes renaissants. Le Centre pour les Survivants de l’Holocauste est séparé d’un simple mur avec Shalvata.
Les accompagner dans leur fin de vie
L’autre objectif majeur visé par Shalvata/HSC est d’aider les survivants à mourir dans la paix et la dignité. Dans ce but, il leur est essentiel de faire un travail de nature émotionnel et spirituel.
Une expérience mise au service d’autres causes
Mon expérience approfondie au contact des survivants de l’Holocauste a servi aux victimes du conflit en ex-Yougoslavie (soutenu par le World Jewish Relief). J’ai également collaboré avec le fondateur de l’organisation des survivants du Rwanda, et plus récemment avec des réfugiés de Darfour. Il existe des points communs entre tous même si leur histoire est différente. »
Pour en savoir plus sur la méthode thérapeutique de Judith Hassan : “A House Next to Trauma – Learning from Holocaust Survivors How to Respond to Atrocity” (Jessica Kingley Publishers), 2003.
*A noter : beaucoup des participants au programme s’expriment en yiddish. Toutes les fêtes juives sont observées.
Judith Hassan, fondatrice de Shalvata